Marc-André Royal
Chef
Lorsque l’on naît à Trinidad, le contact avec le monde des épices se fait en général assez tôt. Il faut dire que la cuisine de l’île est un heureux métissage de parfums typiquement créoles et de mélanges d’épices savamment revisités par les travailleurs indiens venus s’y installer au XIXe siècle. Pas étonnant, donc, qu’Ethné développe dès son plus jeune âge un amour inconditionnel pour le cumin et le quatre-épices!
C’est au cours des années soixante que sa mère, Lorna, décide de s’établir à Montréal avec ses filles. La ville est alors en pleine effervescence et les opportunités ne manquent pas. C’est aussi à cette époque qu’elle se met plus sérieusement à cuisiner pour ses enfants et qu’elle parfait ses connaissances sur la cuisine de l’Inde grâce à un livre offert par une amie. Les épices prennent ainsi une place encore plus importante au quotidien.
Plus tard, Ethné part travailler à Amsterdam. Son séjour de deux ans aux Pays-Bas lui permet de découvrir une cuisine qui lui est jusque-là inconnue, celle de l’Indonésie, avec ses parfums de galanga et de lime kaffir.
De retour à Montréal, elle retrouve Philippe de Vienne, chef cuisinier et partenaire de tous les instants, qui partage avec elle cette passion pour les plats parfumés et préparés dans les règles de l’art. Ils démarrent ensemble une entreprise de service traiteur en 1989 et se font rapidement une réputation grâce à une cuisine savoureuse et authentique, inspirée des cuisines traditionnelles de diverses régions du globe.
Soucieux d’offrir des plats uniques, ils réalisent vite qu’il est difficile de recréer les plats goûtés à l’étranger sans avoir accès à des épices de qualité. Dès lors, le couple commence à rapporter de voyage des valises remplies d’épices en guise de butin.
Au fil du temps, et surtout à force de travail et de persévérance, Ethné et Philippe se bâtissent un réseau d’amis et de fournisseurs qui, comme eux, apprécient les meilleures épices. Le plus grand défi, en plus de celui que représentent parfois les différences culturelles, est de faire comprendre aux producteurs que la qualité leur importe beaucoup plus que le prix, contrairement à la majorité des importateurs. La chasse aux épices devient alors un métier à temps plein.
Lors du réaménagement du marché Jean-Talon, à Montréal, on les sollicite pour qu’ils ouvrent une boutique consacrée aux épices. D’abord sceptiques, les de Vienne se laissent lentement gagner par l’idée et leur magasin d’épices voit enfin le jour en 2004. Ce lieu fait rapidement le bonheur des amateurs de bonne cuisine en offrant des épices entières et des mélanges authentiques.
Auteurs de cinq ouvrages sur la cuisine aux épices, publiés chez Trécarré, Ethné et Philippe ont également été chroniqueurs culinaires à de nombreuses émissions de télévision et de radio, dont Ricardo, À la di Stasio et Curieux Bégin. En 2011, la chaîne ARTV a diffusé une série de huit épisodes intitulée Chasseurs d’épices, présentant leurs périples en Indonésie, au Mexique et aux Antilles.
Il est clair que la passion d’Ethné et de Philippe est contagieuse; grâce à leur travail, les épices, qu’elles soient bien connues ou très rares, ont su se tailler une place de choix dans la cuisine d’un grand nombre de Québécois et continuent de ravir les plus gourmands!
« Pour moi, l’érable représente : Le printemps, de l’espoir, de la fierté et de la ténacité. J’aime faire caraméliser du sucre d’érable dans un peu d’huile. Quand le sucre commence à faire des bulles et devient brun foncé, j’ajoute des morceaux de poulet que j’ai fait mariner avec des épices, du vinaigre, de l’ail et des oignons depuis au moins 12 heures. Je fais mijoter le tout lentement jusqu’à ce que ça soit doré et bien cuit. C’est une délicieuse variation d’une recette emblématique des Antilles anglaises. »
« C’était ma première visite, avec ma mère et ma sœur, à une cabane à sucre dans les Cantons de l’Est quand nous sommes arrivées au Québec en 1969 — c’était un choc culturel savoureux. »
« La tire dans les cheveux de Philippe »
Quand nos enfants étaient jeunes et qu’on faisait notre visite annuelle à la cabane à sucre, ils ne voulaient pas toujours marcher dans la neige et la boue. Philippe les transportait alors sur ses épaules. Inévitablement, ils mangeaient de la tire et, bien sûr, ça finissait toujours dans les cheveux du père. Avec la coupe de cheveux que j’ai, je suis mal placée pour comprendre les conséquences de cet acte et pour sympathiser avec le pauvre homme… Cela dit, j’ai toujours trouvé les protestations de Philippe excessivement drôles!